vivre écolo

[lydie]

Bonjour,
Je me suis inscrite sur ce forum voilà quelque temps et je suis pourtant une nouvelle. Je n'ai pas beaucoup de temps pour trainer sur internet, mais le petit message de "désespoir" de l'administrateur m'a décidé! C'est surtout que je me pose beaucoup de questions en ce moment. J'écris tous les jours ou presque, mon blog (http://bobarmonie.sosblog.fr , j'espère que ce n'est pas considéré comme de la pub!), mais je n'écris pas spécialement "écolo", juste une pensée par-ci par-là, car le récit de ma vie ici prend déjà de la place! et il n'y a pas d'échange proprement dit, mis à part avec ma famille.
Je suis actuellement en Nouvelle Zélande pour un stage agricole, depuis octobre, et je poursuis en Australie à partir d'avril. En France, là-bas au loin, ma maman et ma soeur continuent d'être des assidues de l'Epicerie Equitable. Moi, ici, je désespère d'être écologiquement inexistante. Ce n'est pas moi qui fait mes achats (je suis nourrie logée payée), ce qui implique : pas de bio, pas d'équitable, le plus de déchets possible, alors que tout est enfoui dans la terre.....la ferme est en mode "engrais-pesticides-irrigation".....ce qui me console un tout petit peu c'est de ne pas avoir de voiture, donc pas de déplacements individuels.
Bref, avant de partir j'étais enfin sûre à 100% ou presque, d'avoir trouvé ma voie (à bientôt 26 ans, il est temps) à savoir : j'ai des idées et des convictions très ancrées, je sais ce que j'aime : la nature et mes chevaux, de trait il va sans dire; et ce que je veux : vivre une vie 100% écologique. Mon idée, évoluée, précisée depuis que je me suis lancée dans l'agriculture(dont je ne suis pas issue familialement) par le biais des chevaux, c'est de sortir du système grâce à une vie autonome au maximum, avec en priorité : zéro lien avec le pétrole.
J'ai tendance à être une révoltée et il n'est pas dans ma nature de m'isoler et de ruminer mes idées, je les crie plutôt, les hurle dirais-je, à qui veut bien m'entendre et surtout à ceux qui ne veulent pas. Je suis pour la décroissance économique et surtout démographique. Le problème c'est que les idées en questions en évoluant vont très fortement sur le pessimisme, "c'est trop tard" et "ça ne vaut plus le coup", rien ni personne ne me convaincra du contraire maintenant et je me plait à lire le roman "Colère" de Denis Marquet (ma référence absolue, ma "bible" qui raconte la rebellion de notre mère la Terre contre une partie de son organisme qui évolue en cancer) ou "l'humanité disparaitra, bon débarras" de Yves Paccalet.
On me dit et je sais (et c'est un peu triste quand même d'être dans le "trop tard " à mon âge) que je devrais mettre mes convictions, mes idées et mes capacités au service du "pas trop tard". Mais je le répète : ma priorité, c'est une vie 100% écologique. Alors que puis-je faire? J'ai d'autres idées :
Je peux écrire des livres (et encore, merci pour le papier et l'énergie) au coin de mon feu dans ma maison en bottes de paille entre 2 labours avec mes chevaux; est-ce suffisant?
Je pourrait créer une communauté écologique car je connais déjà quelques personnes à embrigader, afin que le mode de vie que je vise ait davantage de chance de faire parler de lui et qui sait, de s'étendre?????????????????????? mais bien sûr, c'est bien connu que tout le monde rêve d'une vie simple ramenée à nos besoins vitaux, manger, boire, dormir et aimer, sans profit, sans croissance, sans toujours plus à consommer..................
Je peux aussi reprendre mes études scientifiques à la fac (j'ai arrêté en licence biologie des organismes) et être officiellement écologiste ou naturaliste. Mais ce serait inutile sans voyager, n'est-ce-pas? Du moins j'ai l'impression que tous les naturalistes voyagent. Alors je vais être une scientifique écologiste et je vais voyager à cheval et en bateau à voile et à rames (car il est hors de question que ce soit autrement). Hum, vive la crédibilité, on ne me désignerait même pas comme une scientifique.
Voilà, tout ça c'est de l'avenir n'est-ce-pas, car pour l'instant c'est voyage en avion (je devance ceux qui me demanderaient comment je suis venue en NZ....), agriculture intensive et consommation, modérée encore heureusement, mais loin d'être écolo, responsable, durable ou tout ce qu'on veut....bien que ça m'obnubile à chaque instant et que je m'empresse de me rattraper un tout petit peu dès que je peux.
J'aimerait pouvoir discuter avec des gens comme Yves Paccalet ou Théodore Monod, qui ne sont pas pétris d'optimisme débordant, mensonger et inutile.
Si vous avez autre chose à dire que "il n'est pas trop tard" , je vous écoute volontiers!!!!! @+

[terry]

salut

as tu déjà essayé de changer le mode engrais-pesticides-irrigation de la ferme où tu es ? Ou en tout cas leur poser les questions de :" pourquoi de tels choix ? mesurent ils l'impact ? ...

[lydie]

Hello,
D'abord merci de réagir à ce message plutôt personnel par rapport à l'ensemble du forum. Et désolée de répondre si tardivement.
Pour répondre dans l'ordre :
Pour ce qui est de CHANGER :
Je n'aurais été que 6 mois (je m'en vais dans un mois) sur cette ferme, et je peux t'assurer que pour vraiment faire CHANGER quelque chose en agriculture, il faut plus que ça! C'est la cinquième exploitation sur laquelle je travaille, j'ai essayé de changer quelque chose à chaque fois, et à chaque fois, échec...
La barrière du langage est très handicapante dès qu'on veut entrer dans ce genre de discussion, c'est ce qui me freine à aller plus loin dans le débat car parfois les réponses me paraissent vagues mais c'est juste que je ne comprend pas bien, et parfois je ne sais trop comment m'exprimer.
Et de façon générale, mon pouvoir de discussion (ne parlons même pas de celui de PERSUASION!) au sein du milieu agricole reste très limité pour plusieurs raisons : je suis jeune, je suis une fille (ces deux idées ne sont pas spécifiques à l'agriculture bien sûr, mais elles sont bien ancrées...) et je ne suis pas née dans le milieu, je n'y suis que depuis 5 ans, et encore, par l'intermédiaire des chevaux alors...tout ceci fait que je n'ai jamais l'air très CREDIBLE dans mes argumentations.
Pour ce qui est de DISCUTER, je parviens quand même à émettre des idées et d'ailleurs je suis encore chanceuse d'être tombée chez des gens qui veulent bien discuter. Ils m'ont choisie en tout état de connaissance car j'avais bien fait ressortir mon âme d'écolo dans ma lettre de motivation, c'est d'ailleurs pour ça que personne d'autre n'a voulu me prendre (mon placement est arrivé 3 jours avant mon départ!!), j'ai entendu de la bouche de plusieurs agriculteurs qu'ils « detestent les greenies »!!
Bref, la RAISON du choix engrais-pesticides-irrigation : la productivité, ce qui est une réponse facile puisque c'est la seule possible. Pour préciser : « c'est pas ton agriculture bio qui va nourrir le monde ». Quelle belle réponse! bien qu'un peu trop anthropocentrée et « occident-centrée » si je puis dire (je ne vois pas qui nous a donné la tâche de nourrir le monde à part nous même depuis qu'on a rendu pauvres les pays qui ne l'étaient pas avant qu'on mette le grappin dessus). Donc, heureusement, il n'y a pas d'agro-carburants dans les champs, et il n'en pense aucun bien, ouf. J'ai bien essayé d'expliquer qu'en exploitant nos connaissances actuelles en agronomie et biologie on pourrait atteindre les mêmes rendements sans aucun intrant chimique, il écoute, mais je vois bien qu'il est convaincu que c'est son mode d'exploitation qui est le bon.
Quant aux IMPACTS, j'ai vraiment l'impression qu'il n'en a aucune idée, même ceux qui le touchent directement, il trouve toujours une autre raison plutôt que d'incriminer la chimie. Par exemple j'ai été assez étonnée lorsqu'il a essayé de faire du semis direct après la moisson, sans aucun travail du sol, ce qui s'est bien sûr avéré impossible (les sols chimiques sont extrèmement durs, ils nécessitent la plupart du temps un labour). Eh bien il a déclaré que c'était parce que c'était trop sec, alors nous voilà à irriguer les parcelles nues juste pour ameublir la terre alors qu'il est tombé des cordes ces 2 derniers mois! Je crois même qu'il n'accorde pas beaucoup d'importance à l'élément "nature", bien qu'il ait conscience de travailler avec elle. J'ai oublié d'ajouter à l'équation engrais-pesticides-irrigation, brûlage des résidus de cultures (chaumes), pratique très répandue ici. Bien sûr, un (technicien) scientifique leur a expliqué qu'on ne gagne pas grand chose à enfouir la paille car le sol dépense beaucoup d'énergie à la transfomer en humus. Un petit coup d'engrais, c'est bien plus facile....soit dit en passant, en enfouissant la paille on détruit aussi les repousses, qui elles, ne brûlent pas....mais un petit passage de roundup, c'est tellement vite fait!!
Alors quand il me dit que je devrais me battre avec mes idées pour aider à changer le monde, je me demande ce qu'il veut changer puisqu'il ne voit rien à redire à la chimie et au pétrole. J'avoue que la réponse m'a paru assez vague lorsque je le lui ai demandé, mais je n'ai rien entendu en rapport avec la nature, et il a enchaîné en expliquant que sa génération et celle d'avant sont contents du monde actuel à cause de la guerre (apparemment les Néo Zélandais sont ceux qui ont proportionnellement le plus envoyé de monde en Europe en 39-45). Je suis plutôt d'accord avec ça : la guerre EXPLIQUE le besoin de productivité, mais ça n'EXCUSE pas les dérives, le gaspillage, l'industrialisation à outrance....
Et puis, productivité pour nourrir le monde? Mais alors pourquoi ne pas cultiver des plantes de consommation humaine, pommes de terre, petits pois, blé panifiable....pourquoi cultiver, au mieux des céréales qui partent à l'autre bout du monde pour l'alimentation animale, au pire des semences de RayGrass (herbe), dont au mieux il ne sait pas ce qu'il en advient (à part qu'elles vont en Europe, donc avec une petite chance qu'elles servent pour semer des prairies), au pire la plupart de ces semences servent à semer les beaux gazons bien verts des richtons du monde entier. Alors, productivité pour NOURRIR le monde?
Mais il l'"avoue" bien sûr (en se contredisant sans s'en rendre compte), le Ray Grass, c'est pour l'argent. La belle signification de l'agriculture, envolée! Il bosse comme un fou, des heures et des heures, à calculer quelle proportion moutons/cultures rapportera le plus cette année, à suivre les conseils des innombrables techniciens (un pour les moutons, un pour le maïs, un pour les céréales,etc... ils viennent pour dire si telle parcelle est bonne, ou si on n'a pas besoin d'en mettre un peu plus, et même si le grain est bon à moissonner....), à tout faire pour augmenter le rendement, le rendement, le rendement......et quel résultat (du moins à mes yeux)? N'avoir quasiment aucun temps libre; Passer autant de temps à tuer (les mauvaises herbes, les limaces, les pucerons, les champignons etc etc etc) qu'à faire pousser alors qu'à la base on produit de la VIE; ne pas être capable de faire un potager et de comprendre que les 4 poules pondraient mieux si elles couraient dans l'herbe au lieu d'être enfermées; donc manger de la nourriture en provenance du supermarché et au plus bas prix possible. Et pourquoi, parce que la seule chose qui compte c'est l'argent, parce que manger et dormir passent après avoir un tracteur qui va plus vite ou construire plus de silos, pour pouvoir produire plus de grain et ainsi gagner plus d'argent!!
Mais il n'est, malheureusement, pas une exception. Les paysans du monde entier ne connaissent plus la signification première de leur travail, et je dirais même que c'est encore plus vrai pour ceux des pays dits "pauvres", pour ces peuples qui délaissent leurs cultures (aux 2 sens du terme), leurs élevages, leurs pêches VIVRIERES, pour en faire des territoires VIABLES (pour qui??).
Bon tout ce que j'écris là, je l'ai déduit en le questionnant, questions que je pose toujours avec le plus de détachement possible pour qu'il ne soit pas sur la défensive, car il n'est pas prêt à remettre en cause son mode de production. Par contre, j'avoue que je donne rarement mes arguments, car comme je l'ai dit, j'ai toujours peur de paraître arrogante "mademoiselle je sais tout", et puis j'ai du mal à répondre du tac au tac, je suis meilleure à l'écrit....
@+
_________________
Bob
pour une décroissance économique et démographique

[Paul Johan de Graauw]

Salut l'australienne lydie et la liste,
Lorsque tu écris :
""j'ai entendu de la bouche de plusieurs agriculteurs qu'ils « detestent les greenies »!! ""
=
T'en fais pas, il n'y a pas qu'en Australie !
et
"il n'est pas prêt à remettre en cause son mode de production."
=
Ici non plus. les agriculteurs sont des gens de tradition et il me semble qu'ils changeraient d'habitude (techniques de culture) encore moins facilement qu'un maraîcher français, qui lui doit bien s'appercevoir que s'il produisait bio (garanti par Ecocert comme il faut) il vendrait peut-être mieux sur le marché comme aux intermédiares de la grande distri....
Il est vrai que la reconverstion dure 3 ans, et que cela en retient plus d'un vu les difficultées financières que cela implique. Comme je l'écrivais récemment, l'Etat (français) promet bien par la voie du ministre Barnier, qu'il va subventionner la bio, mais ne semble pas aider ceux qui voudraient se lancer à la juste hauteur de leurs besoins...
@+ Paul